Santé mentale: échecs et droits à l’erreur

Échouer, une étape naturelle : « Ce qu’on fait de l’échec compte plus que l’échec lui-même »

Jean-Olivier Collinet, de Jobyourself, revient sur la place de l’échec dans nos vies dans Tendance Première. De la biologie à la culture, il décrit pourquoi tomber est inévitable… et pourquoi se relever fait toute la différence.

Par Elodie Marchal

Tendances Première: Les Tribus

Personne n’y échappe : chacun vit des revers, au travail comme dans la vie personnelle. Pourtant, la manière de les envisager change selon les cultures. Dans les pays anglo-saxons, l’échec est perçu comme un passage utile, presque comme une étape nécessaire à l’innovation. En Europe, il est souvent vécu comme une faute, un poids qui colle à la réputation. Un constat déjà développé à plusieurs reprises, tant il soulève des réflexions universelles sur notre rapport à l’échec.

Pour Jean-Olivier Collinet, ce contraste révèle une difficulté à « donner droit à l’erreur » dans notre société. « Notre attitude est aussi déterminante que la nature de l’échec. Ce qu’on en fait est plus important que ce qu’on a vécu ou subi« , souligne-t-il.

Entre instinct et apprentissage

L’échec n’est pas qu’une affaire de culture : il est inscrit dans notre fonctionnement biologique. Apprendre à marcher, chasser ou innover suppose d’échouer d’abord, parfois à de multiples reprises. La nature elle-même est faite d’essais et d’erreurs : trois tentatives de chasse sur quatre échouent dans le règne animal. « Repartir bredouille est la norme« , rappelle Jean-Olivier Collinet. L’animal, lui, ne s’effondre pas : il recommence.

Chez l’être humain aussi, ce mécanisme d’ajustement est présent dès l’enfance. Quand un enfant apprend à marcher, il tombe, se relève et recommence, sans percevoir ses chutes comme des échecs, mais comme des étapes vers son but. Une idée également développée par le psychologue Ilios Kotsou, qui rappelle que tomber et se relever fait partie intégrante de l’apprentissage humain — et constitue même l’un de nos meilleurs leviers d’évolution.

Avec le temps, l’expérience de l’échec devient plus chargée émotionnellement : la mémoire, l’estime de soi et le regard des autres influencent la manière de le vivre.

Mais l’échec active aussi des mécanismes profonds. Le cerveau reptilien, lié à la survie, interprète la chute ou l’erreur comme une menace. Le stress, la honte et le doute viennent alors alimenter la peur de recommencer. Cette réaction archaïque explique pourquoi certaines personnes restent paralysées après un revers.

Transformer la chute en rebond

Tout l’enjeu réside dans la manière de traverser ces moments. L’échec est inévitable, mais il devient formateur si l’on parvient à le regarder autrement. Accepter l’émotion, analyser ce qui s’est passé et en tirer une leçon sont les conditions pour avancer.

Des sportifs de haut niveau aux entrepreneurs, nombreux sont ceux qui témoignent de la nécessité d’oser se tromper pour progresser. Certains en font même un rituel collectif, comme lors des Fuckup Nights, où l’on partage ses échecs pour en dégager des enseignements communs. « Ce n’est pas l’échec qui détruit, mais la manière dont on le vit« , rappelle Jean-Olivier Collinet.

En définitive, l’échec n’est pas une fin. C’est une étape naturelle, parfois douloureuse, mais indispensable à toute évolution.

Une culture en mutation

Dans un paysage où la réussite reste souvent mise en avant, notamment sur les réseaux sociaux, la valorisation de l’échec peine encore à s’imposer. L’impression que tout va toujours bien chez les autres nourrit la peur de l’erreur et fragilise l’estime de soi. Pourtant, les mentalités évoluent, en particulier dans le monde professionnel, où l’expérience d’un revers est désormais mieux perçue qu’auparavant